Bâtie de Cholex

FEUDATAIRES DES SIRES DE FAUCIGNY

TLA BATIE-CHOLAY ou ROILLEBOT Commune de Meinier, canton de Genève
Cette ruine située jusqu’il y a peu d’années au milieu d’assez vastes marais s’étendant au dessous du Carre jusqu’à Sionnet. Ces marais ont été drainés et mis en culture, sauf la parcelle des ruines, laquelle appartient à l’Etat. Cette situation au milieu du marais, qui existaient bien avant la construction du château, lui conférait la valeur d’un point d’appui important dans les terres de Faucigny allant jusqu’au lac, entre les possessions de Ballaison et la châtellenie de Gaillard, appartenant au comte de Genève. Les ruines, encore entourées de leur double fossé, restent un des seuls exemples de l’époque féodale près de Genève (altitude 435 mètres). On accédait au château par une chaussée empierrée qui se détachait de la route allant du Carre à Meinier.

Historique

Au début du XIXe siècle, on a voulu identifier le Carre avec le Quadruvium où Sigismond a été couronné roi en 516 et on voulait voir au château de Roillebot les restes de la villa royale. Cette théorie est totalement abandonnée. Il n’est pas douteux que Quadruvium est Carouge ; de plus les ruines de Roillebot n’ont rien de burgonde, mais appartiennent au XIVe siècle. Pour compliquer la tâche des historiens, cette bâtie a porté plusieurs noms, la Bâtie-Compey, la Bâtie-Cholay, Sobeyron ou Souveyron, Sonneyron, enfin Roillebot. On a souvent confondu ce château avec celui de Compois très voisin. Pendant la guerre entre Edouard de Savoie, comtes de Genève et les sires de Faucigny, ces derniers cherchèrent à prendre chaque point fortifié à la limite de leurs Etats pour contrebalancer l’influence de la maison de Savoie. Nous apprenons que, le 7 juillet 1318, la Bâtie de Compey vers Cholay fut édifiée par le chevalier Humbert de Cholay, mandataire des sires de Faucigny. Les chroniques de Savoie prétendent que cette nouvelle forteresse, probablement construite au début en bois, comme la Bâtie-Meillé près de Genève, fut tout de suite assiégée et prise par Edouard de Savoie. Il semple bien que ce fait soit vrai, car le châtelain de Bonne indique, dans son compte 1319-20, qu’il a envoyé des messages aux nobles dans divers châteaux, dont la Bâtie, afin qu’ils viennent en armes. Nous savons que, le 4 mai 1319, Hugues, dauphin, seigneur de Faucigny, cède le château et mandement de Boringe à Humbert de Cholay en échange de la Bâtie-Compey ou Soubeyron. Mais il ne s’agissait en somme que des droits de supériorité féodale, ou bien cet acte n’a pas été exécuté, car les Cholay ont continué à posséder directement Soubeyron. Le 9 mars 1321, ce même Humbert est confirmé dans ses droits par Humbert de Faucigny.

Ce château était le siège d’un mandement de Faucigny, cité à plusieurs reprises, entre autres en 1337-1338. A cette date, on donne à Nicolod de Gonebio, pour le ravitaillement de la “Bâtie de Souveyro”, 5 octanes de froment. En 1339, le dauphin Humbert de Viennois l’échange contres d’autres terres avec Hugues de Genève, seigneur d’Anthon. En 1343, le château est mentionné avec l’estimation des autres châteaux du Faucigny appartenant au dauphin de Viennois (castri bastide de Sonneyro ou Sonnoyre). Il est estimé comme rendement à 74 florins 6 gr. Mais à ce moment, il y a contestation avec le comte de Savoie à son sujet. Par un compromis, en 1355, il passe entre les mains de la maison de Savoie. La possession effective de la Bâtie est transmise après la mort d’Humbert de Cholay à son frère utérin, Nycod de Fernay qui en est investi le 30 août 1345. Le comte de Savoie, son suzerain, ratifie cette succession en 1356. La petite-fille de Nycod de Fernay, Guillermette, devient l’épouse de Thomas de Genève-Lullin ; leur seul héritier est Guillaume de Genève qui reçut en 1429 le fief de la Bâtie. Mais une branche des Fernay continua à se qualifier de seigneur de cette terre et Pierre de Fernay en 1546 vend sa part du fief au même Guillaume de Genève. Entre temps, la Bâtie-Cholay fut prise par les troupes bernoises et genevoises en mars 1536. Les Genevois s’en emparent comme gage vis-à-vis des Genève-Lullin afin de payer le secours des Neuchâtelois ; une garnison y est entretenue. C’est le 16 mai de cette année que pour la première fois on rencontre l’appellation de “Roillebot”. Ces événements nous montrent que la Bâtie était encore en état de résister. Cette seigueurerie fut vendue par la République pour se payer de ses débours, mais en 1564 les Bernois rétrocédèrent ces biens au baron de Lullin. Dans la suite, la seigneurerie parvint à la nouvelle lignée des marquis de Lullin, soit à Claude Alexandre de Faucher, puis à son fils François-Emmanuel qui la vend le 30 mai 1683 à Jaques de Loys, possesseur de Merlinge. Le château tombe en ruines. En 1793, ce domaine est légué à noble François Carron.

Le 11 Thermidor an VI, ces biens d’émigré passent à une communauté de trois membres qui la revendent, le 8 février 1798, à Pierre Antoine Dupin avec la réserve d’un des vendeurs, Jacob Neff, aurait le quart des matériaux des ruines. C’est à moment que toutes la partie nord a été démolie. Actuellement les ruines sont classées monument historique et appartiennent à l’Etat de Genève.

On ne sait rien de l’origine des noms de Souveyron et Roillebot. Souveyron pourrait, d’après Foras, venir de Sous-Voirons, mais c’est bien problématique. Roillebot viendrait de l’usage féodal des manants qui devaient “roiller”, soit taper avec des bâtons sur les grenouilles ou “bots” des marais pour les faire taire, étymologie aussi très douteuse.

Description Archéologique

La Bâtie est un exemple typique des châteaux réguliers construits au début du XIVe siècle dans notre région. Ce “château d’eau”, entouré de ses doubles fossés, était une place remarquablement bien défendue, destinée, non pas à l’habitation d’un seigneur, mais à servir de point d’appui à une garnison devant protéger le pays. Roillebot forme un quadrilatère de 49 mètres sur 36 mètres avec des tours circulaires à chaque angle. Seule la tour sud-ouest est encore assez bien conservée. Elle mesure 8 m. 60 de diamètre, épaisseur des murs 2 m. 25, entièrement parementée avec des classes, comme toutes les courtines. Le plan minute de 1812 indique des digues intérieures du château, soit une allée centrale avec des bâtiments latéraux d’habitation avec les dépendances. Le terre-plein du château est élevé de plusieurs mètres au-dessus du marais et des fossées. L’entrée était surmontée d’une défense ou échauguette carrée en maçonnerie, encore visible au moment où Blavignac décrit le château. Malgré des fouilles faites de 1838-39, on n’a rien retrouvé d’important. Les murs de courtine devaient avoir 8 à 10 mètres de hauteur et être surmontés de galeries ou hourds en vois. L’opinion que ce château n’a jamais été terminé ne se justifie en aucune manière. On voyait à Meinier, au début du siècle passé, soit en 1847, des fragments de fenêtres avec accolades et un dessus de porte avec le monogramme IHS, provenant des démolitions, indiquant que les bâtiments d’habitation présentaient une architecture soignée (dessin de Lullin).

Une des dispositions les plus intéressantes concerne les doubles fossés. Le fossé extérieur, alimenté par les eaux du marais, était en relation avec le fossé intérieur par deux ouvertures qui encerclaient le terre-plein en face de l’entrée, au débouché des deux ponts-levis. On avait conçu le chemin d’accès de telle manière que l’assaillant était obligé de faire par deux fois une marche de flanc avant d’arriver devant la porte d’entrée. Le château de Roillebot, planté au milieu des marais, montre un type accompli de forteresse entourée d’eau, parfaitement bien comprise au point de vue des défenses et des flanquements.